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07 Feb 2018

18. Blog : L'écriture unie vers celles et ceux.

Nicolas Le Golvan, 18 (2017)

 

© Photo : https://www.facebook.com/N.Le.Golvan/

 

« Crier c'est être vivant. » 
(p. 112)

18  est écrit comme un cri vain lancé dans le combiné aux sapeurs pompiers. 18 comme deux chiffres restants d'une année mutilée qui signe la fin de la Première Guerre mondiale et peut-être plus encore. 18, un indice temporel qui trouve refuge dans l'armistice que l'on célèbre tous les 11 novembre... dans un grand brouhaha qui tend à être de plus en plus inaudible.

Il s'agit du dernier roman de Nicolas Le Golvan, des éditions Sipayat, sorti en décembre 2017. Le format intrigue autant que le titre : un petit écrin carré, tel un journal de bord, transportable partout, même dans les tranchées, qui abrite une écriture franche, libre et incisive et les illustrations d'Armelle Le Golvan et de Pierre Larrouturou qui donnent le ton en demi-teinte. Du noir et blanc, du crayonné, pour esquisser une époque qui s'efface avec le temps, des traits qui restent pourtant. Des dessins aussi nostalgiques que beaux.

Plus qu'un récit de guerre, 18 est un questionnement sur l'identité et la mémoire de cet épisode marquant de l'Histoire. Que reste-t-il 100 ans plus tard ? 18 donne une réponse à vif et mutilée à cette question en en posant une série d'autres.

L'écriture, à la fois belle et tranchante, s'offre aux lecteurs comme une prose écorchée :

« À l'autre bout de la tranchée, l'eau creuse avec autant d'acharnement que les hommes, et je me surprends à espérer l'obscurité pour ne plus rien voir. » (p. 87)

« J'ai juste senti le dard d'acier gratter mon omoplate droite avant de se rétracter. À l'instar des véritables blessures, j'ai d'abord goûté ce temps infime de l'absence : il ne se serait donc rien passé... Et puis la douleur m'a rabattu, recroquevillé sur l'impossible : je suis blessé au fond de la tranchée. » (p. 107)


Des vers libres mais souillés, couchés sur le papier, salis de la mémoire des tranchées :

« Quelques chose me contraint à renaître tel que j'ai été ailleurs, moi qui ne voulais plus apparaître en nom propre dans aucune histoire. (...) Lorsque l'Histoire se raconte au plus intime, dans le creux de nos consciences, chacun dit "on", ce "on" béni qui nous efface et nous réchauffe, c'est notre vérité acquise au camp de la mémoire, mon remède aussi. » (p. 25)

« Plus tard, à la télé, on dira qu'une bande d'amateurs de la Première Guerre mondiale a poussé l'amour du détail jusqu'au fait divers. (...) Tous des combattants de l'absurde, mais en couleurs. » (p. 81)


Les personnages, pourtant nommés et bien définis, se définissent comme une masse informe de chair sur laquelle l'ennemi tire pour mettre fin à la guerre. Un paradoxe soulevé par ce récit à la fois pathétique et absurde où l'amitié semble être le sang vigoureux qui anime cette masse d'hommes.


Entre la mort et la vie il n'y a qu'un pas, il y a ce récit qui se donne comme une empreinte de plus de 1918 à décrypter en 2018.