"Rilke Zip" sondé (et lu) sur le site critique LittéWeb
By Ahmed Slama In Revue des Revues
Tous on pisse dans un violon
Une revue pas n’importe laquelle de revue, Squeeze, qui compte aujourd’hui une bonne demi-douzaine d’années d’existence, le revue Squeeze ; des nouvelles publiées par thème, un appel à texte lancé quelques mois avant la parution, vous pouvez toujours y tenter la chance de vos textes, le prochain thème, c’est Dylan, ce bon vieux Bob dont la nobelisation en a fait hurler plus d’un, et ça se pâme ensuite à la lecture de Villon, le troubadour vagabond, bref, Squeeze, c’est un bon nombre de nouvelles, originales, variées, exigeantes surtout à s’y pencher ! L’ensemble des numéros est ici, à télécharger gratuitement, choisissez le format qui vous sied : Pdf, Epub, Mobi,.
Collectif, Pisser dans un violon, Squeeze, 47 p. gratuit, à trouver ici
Un numéro de Squeeze donc, choisi un peu au hasard. Le thème ? Pisser dans un violon, n’est-ce pas notre lot à tous, non pas la vanité de tous nos actes, la vie en somme, ce recommencement réveil matin, boulot, ou pas pour les veinards, manger, et puis lit, dormir et ça recommence, pisser dans un violon quoi… et puis on a été sensible, aussi, à la belle couverture du numéro, signée Camille Maccioni, ce personnage chauve, effilé, qui n’est pas sans nous rappeler un certain Bernier, Professeur Choron pour les intimes, se peignant le… crâne chauve… page suivante, sommaire. On parcourt, des auteurs, des titres, le premier, Rilke Zip, agencement singulier, l’auteur ? Le Golvan. On clique, et nous voici dans la page ;
Le nectar Rilkéen
Rilke Zip, un condensé de Rilke peut-être ?
Oui, c’est à peu près ça. En informatique le zip désigne un format permettant la diminution de la taille d’un fichier, grâce la compression, et cela sans perte de qualité. Et cette « compression » de l’Idée Rilkéenne, elle nous est esquissée en à peine douze phrases, douze expériences, avec ce même rythme, ces phrases croquées, vitesse, ne pas s’attarder laisser la signification tracer son chemin. Eco décrivait le texte comme une « machine paresseuse », emplie « d’interstices », « de blancs », cette Idée commue à tout texte, Rilke Zip, en joue, tout y est esquisse ; pointillés…
Dès la première phrase, tout est là « Mettre la tête dans une nuée de moucherons, en apnée légère, et peut-être appréhender ce qu’est l’unité spontanée » oui, c’est un peu ça, cette nuée de « moucherons », les phrases disséminées, esseulées car chaque phrase constitue un paragraphe en soi, des phrases qui forment une totalité autrement dit une « unité » quant à « l’apnée », cette écriture au rythme soutenu qui commence toujours par un syntagme* long, agencement de mots, qui peu à peu s’entrecoupe en approchant du point final. « Remonter les pentes de l’humain en émondeur d’arbre, se souvenir que la littérature souffle d’abord le raccourci, le passage court, avant la caisse, tenter en priorité. » Ici nous retrouvons, grosso modo, l’architecture des phrases de cette prose poétique. Pas de demi mesure, non. Soit une longueur d’onde, 13 syllabes puis 17 syllabes, à la seconde virgule, tout s’étrécit, on hoquette, on passe à quatre, puis quatre, et enfin sept syllabes.
Rilke Zip, clin d’œil aux Cahiers de Malte de… Rilke. Naïveté poétique, toute enveloppée de lyrisme romantique, celui qui admet la scission corps esprit, « le corps sans esprit, juste voler ». Une initiation au poète, retournons-nous vers ce texte aujourd’hui quasi-stéréotypé, mais dans Rilke Zip, il y a ce souffle, ce travail d’évocation, ce retournement du Beau, opéré par Baudelaire ou Rimbaud, on y évoque « la plus grande partouze du sous-continent indeien » ou le comptage « en partant du bas, le nombre exacte de poils de ce corps »… et « en post-scriptum, pisser des violons bien sûr… »
… le mieux, c’est de l’écouter Rilke Zip, là tout en bas de la page, ce texte qui est aussi un un palimpseste, dans le sens où l’entendait Gérard Genette, à savoir la relation hypertextuelle existant entre un ou plusieurs textes, relation implicite ou explicite comme dans le cas qui nous occupe.
Et quoi de mieux, me direz-vous, comme transition, cette histoire palimpseste, le prochain texte auquel nous nous intérresserons étant intitulé… Palimpseste,